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[PORTRAIT] de Brieuc Saffré (WIITHAA) : Un focus sur l'économie circulaire et le lancement du potager d'interieur !

18 juin 2019 Portrait de diplômés
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Brieux SAFFRE, ESSCA 2008, est co-fondateur de Wiithaa, agence de design spécialisée sur les problématiques de l'économie circulaire et du réseau Circulab fédérant plus de 50 consultants à l'international. A l’occasion d’un nouveau projet – le potager d’intérieur - nous avons rencontré Brieuc afin d’en savoir plus sur son parcours, ses influences et ce qui l’a amené très tôt à repenser les business models en prenant en compte tout l'éco-système !

Brieuc, Peux-tu nous parler du potager d’intérieur de Withaa ?

Le potager d’interieur de Withaa symbolise plusieurs de nos engagements pour activer l'économie circulaire. La valorisation des déchets en est une composante, et chacun peut agir dans ce sens. Nous avons voulu créer un produit qui incarne ce cercle vertueux, naturel et ancestral.

Très concrètement, une fois déposés dans votre potager d’intérieur, vos restes de fruits, légumes, thé ou café sont valorisés par des lombrics. Vous n'avez plus à supporter les mauvaises odeurs de votre poubelle et vos biodéchets vous permettent d'avoir des plantes en pleine forme.

Vos petits soldats absorbent jusqu'à 30 fois leur poids par jour et vous offrent un compostage de qualité et rapide. Ils sont de bonne compagnie : discrets et efficaces, ils s'occupent seuls de la terre et vous en évitent l'arrosage la plupart du temps.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Aujourd’hui nous voulons faire connaitre le projet, et que les personnes intéressées s’inscrivent à la newsletter pour précommander : 300 personnes y sont inscrites pour le moment et nous souhaitons en doubler le nombre. Notre objectif est de commercialiser 300 potagers d’intérieur !

Comment est né ce projet ?

Depuis l’été dernier nous nous sommes concentrés sur plusieurs sujets et aussi celui de réaliser un produit iconique « grand public » réalisé par l’agence. En effet, nous avons crée beaucoup de services notamment des business-games ou des jeux pour enfants. Une des problématiques que nous avons identifiées est la valorisation des biodéchets : beaucoup de matière gâchée qui peut retourner au sol et le régénérer assez facilement.

En effet, nous transportons des déchets alors qu’ils pourraient être valorisés en local (voire même ici à domicile) : Comment démocratiser la valorisation des biodéchets ? Le potager d’intérieur reprend un fonctionnement que nous appliquons depuis deux ans maintenant au bureau, où nous avons des lombrics dans nos plantes. Mais ceci n’a pas été pensé pour - et l’idée d’une solution plus appropriée à inventer a « germé », accompagnée de Justine Laurent, Nathan Le Borgne et de Baptiste Riom.

Y’a-t-il eu une démarche de recherche-développement ?

Très franchement, le lombri-compostage est quelque chose d’assez commun et accessible. En revanche, il y’a de nombreux freins : c’est un objet plutôt « moche », qui peut produit des nuisances. Nous avons résolu ce problème et pour répondre a ta question, nous n'avons pas eu besoin d’ingénieur pour solutionner ce sujet ni pour concevoir le produit.

Nous sommes sur un format restreint qui permet aux gens d’avoir une première solution pour valoriser leurs biodéchets et développer de nouveaux savoir-faire qu’ils pourront utiliser partout, tout le temps, avec ou sans nous. En effet, nous réfléchissons déjà à des formats plus grands pour d’autres contexte, par exemple pour les écoles primaires, avec une dimension pédagogique ! Cela peut être intéressant de faire comprendre aux enfants que nous pouvons avoir des plantes en pleine forme en leur donnant ce dont nous n’avons pas besoin !

Quelles sont les premières remontées issues de votre panel ?

Nous avons fait différents évènements, meet-up et sur notre méthodologie le Circulab : Les retours sont très positifs. De plus en plus de personnes veulent valoriser leurs biodéchets mais les solutions actuelles ne sont pas très attrayantes (encombrantes, pas esthétiques, matériaux basiques…).

Notre produit n’est pas qu’un composteur et il faut insister sur le résultat : chacun peut produire des plantes aromatiques ou autres végétaux sans aucun entretien ni aucune contrainte.

Quel est ton positionnement par rapport au tout connecté, par exemple les pots-de fleurs connectés ?

Nous sommes une agence de design circulaire et lorsque nous concevons un produit, nous y intégrons toutes les étapes de vie du produit et notamment sa fin de vie. En fait, intégrer des capteurs ou des puces nécessitent beaucoup de matière a l’extraction. Autre exemple, utiliser de la lumière artificielle pour faire pousser des plantes qui n’ont besoin que de lumière naturelle est un non-sens. Enfin, ces matières dont nous n’anticipons pas la fin de vie finissent enfouies ou brulées. Ainsi l’apport des technologies n’est pas forcément utile ici.

Comment ton discours est-il reçu ?

Je n’ai pas un discours binaire anti techno, il nous faut simplement anticiper la fin de vie du produit dès sa conception. Cela n’empêche pas de s’appliquer une certaine sobriété. Nous parlons beaucoup de La French Tech mais l’innovation ne se résume pas à la technologie : Marc Giget dit que l’innovation, c’est 20% de Tech pour 80% d’observation des usages, de discours de marque, d’expérience client…Nous avons des Dirigeants qui sont fans de technos car cela semble plus simple, mais le grand public n’est pas lui fan absolu de technologies. Les gens veulent juste répondre à leurs besoins primaires. Les gilets jaunes ne demandent pas plus d’argent pour la French Tech, ils veulent juste de l’argent pour manger correctement, se déplacer (…). Il faut donc s’attaquer aux besoins primaires plutôt que d’inventer une énième appli.

La solution vient surtout des entreprises : si on met des produits jetables sur le marché, les gens n’ont pas forcément la solution pour recycler. Incriminer le consommateur est un discours un peu facile. En partie oui mais pas uniquement. Plus les entreprises se saisiront du sujet, plus elles comprendront que c’est beaucoup de bon sens et qu’il y’a beaucoup d’opportunités.

Par exemple, l’entreprise INTERFACE, leader mondial de la moquette a, dès les années 90, lancé la mission ZERO dont l’objet était d’avoir zéro impact sur l’environnement. La moquette produite à l’origine à partir de pétrole a été repensée pour être conçue à partir de nylon récupéré, en l’occurrence sur des filets de pêche, pour régénérer les écosystèmes marins. Ils s’approvisionnent en dépolluant et cette initiative a ensuite été copiée par tous leurs concurrents. Quand on installe des rouleaux de moquette, on n’estime qu’il y’a des pertes de 12 à 15%. Ils sont passés sur des formats en dalles (4 à 5% de chute) puis 1% grâce aux observations de leur designers, en intégrant des motifs qui peuvent être disposés de n’importe quelle façon !

Nous avons travaillé avec leur filiale anglaise sur toutes les solutions de récupération du produit en fin de vie pour recréer de la moquette à partir de leurs anciens produits. C’est très rare d’avoir une capacite à recycler pour un produit à l’identique. En effet, la norme du recyclage est de réutiliser pour un usage moins noble.

Comment es-tu venu à tous ces sujets après l’ESSCA ?

J’étais consultant en marketing et je me rendais compte que le marketing devait aller un peu plus loin que le seul fait de vendre des produits : Il fallait repenser à la raison d’être de la marque. J’avais un blog qui s’appelait Brand Utility ou j’insistais sur la réponse des industriels aux enjeux des consommateurs mais également de la société dans un sens plus global. J’avais déjà un regard un peu particulier sur les ressources, le recyclage. Je suis venu au design très tôt, alors que j’étais au lycée à Nantes et très intéressé par l’Ecole de Design de Nantes. J’ai finalement passé le concours ESSCA !

Quels sont les penseurs qui t’ont marqué et qui t’inspirent ?

J’apprécie Gunter Pauli, l’initiateur de L’économie Bleue, une économie circulaire et régénérative telle que nous la concevons chez Withaa. Je peux aussi citer Ellen MacArthurGauthier Chapelle et Alex Osterwalder qui est un des inventeurs du business model CANVAS.

Sur le biomimétisme, Je suis Janine Benyus, Tarik Chekchak, Gilles Bœuf, Kalina Rasquin et toute l’équipe du CeeBios.

Que penses-tu des bons résultats des listes écologistes aux dernières élections européennes ?

C’est un sujet délicat où, pour citer Jean-Marc Jancovici, notre économie est corrélée à notre consommation d’énergie. Ce sont des aspects physiques et donc non négociables : Les constats s’imposent, sont difficiles à admettre et peu vendeurs sur le plan politique. Qui voterait pour une personne qui demande de réduire ses déplacements ou de consommer sobrement ? Il y’a un décalage entre les partis et les enjeux. Ce qui est dommage est qu’il y’a un certain nombre de partis qui pourraient se rejoindre autour d’un projet écologique, ou du moins plus vertueux. Malheureusement, il n’y a pas de convergence en dépit des mauvaises nouvelles qui se multiplient. Nous avons encore une petite fenêtre de tir en agissant plus vite et de façon pertinente. C’est un sujet vraiment délicat car par exemple, certains écologiste font la promotion des énergies renouvelables alors qu’elles nécessitent beaucoup de matériaux, de terres rares et donc beaucoup d’énergie pour les extraire et avoir ensuite une faible durée d’utilisation, sans compter les inconvénients : sans vent, pas d’énergie éolienne ! Ces énergies peuvent paraitre peu fiables et leur bilan carbone est peu compensé par leur utilisation. Paradoxalement, il faut promouvoir le nucléaire car c’est l’énergie la plus efficace en termes de non-carbonisation. Nous devons avoir le maximum de sobriété énergétique, rationaliser nos déplacements, isoler les bâtiments, manger localement, réduire notre consommation de viande…Ce n’est pas un projet très enthousiasmant, mais il peut être fédérateur.

Comme tu l’as développé, la question énergétique n’est pour le moment pas résolue. En revanche, nous pouvons agir sur nos modes de vie, …?

La sobriété s’impose malheureusement et naturellement aux personnes à faible pouvoir d’achat : on note une corrélation entre les plus hauts revenus et le manque de sobriété. Ceci est difficile à admettre et à faire admettre.

Cher Brieuc, quelques mots pour conclure ?

Si les gens veulent concevoir leurs produits / services en considérant les ressources comme acteurs stratégiques de leur business, avec plaisir pour en discuter !




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