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Création d'entreprise en contexte international avec Jean-Sylvain DELEPAUT (Promo 1999) !

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Echanges passionnants avec Jean-Sylvain DELEPAUT (Promo 1999), Président de ITP International Trucks Parts, autour de la création d'entreprise en contexte international !            

Pourquoi as intégré l’ESSCA? Qu’en retiens-tu?

Mon entrée à l’ESSCA s’était faite de manière tout à fait fortuite. J’avais passé plusieurs concours, dont Sciences Po, et j’avais été admis à l’oral pour certains d’entre eux. Finalement, j’ai choisi Angers. La ville, les locaux, l’ambiance…un tout surement.

Comme je n’ai jamais su quel métier je voulais faire, j’ai laissé le hasard me guider. Mon premier job proposé fut contrôleur de gestion, j’ai alors suivi cette voie…tout en suivant les cours de l’IAE en Administration des entreprises.  He oui, je suis adepte de Socrate, je sais que je ne sais rien. Donc l’ESSCA, et le reste, ne sont que des étapes dans l’évolution du savoir. Je trouve que l’ESSCA a été un très bon socle !

Mon parcours à l'ESSCA était déjà atypique puisque j'ai suivi le parcours commerce international, rédigé un mémoire marketing, et enfin intégré la chaire des entreprises mutualistes, coopératives et associatives !

Je cherchais déjà à l’époque à vouloir garder une ouverture d’esprit maximale et à faire dialoguer les disciplines…

Comment en es-tu venu à l’international?

Le départ à l’international a été motivé, en premier lieu, par des raisons de cœur. Une fois en Pologne, je ne pensais y rester que 2 ans et revenir dans notre douce France comme chantait Trenet. Mais la douceur de vivre (Angevine), dont parlait Du Bellay, je la trouvais en cette Pologne entrant des deux pieds dans cette Europe et voulant la conquérir !

Nous avons parfois une méconnaissance de la Pologne, nous français. Qui, en France, peut me citer le nom du roi français qui fut aussi roi de Pologne ? Qui se souvient de l’ardeur des Polonais à défendre la France de Napoléon ?

Les Polonais sont des amoureux de la France, de son histoire, de sa culture. Nous pensons égoïstement que Notre Marie Curie, femme aux deux Nobels, est française. Mais elle est née à Varsovie, de parents Polonais !

Quel est ton regard sur la France ?

Mon regard sur la France est peut-être plus cru que lorsque j’y habitais, mais il faut savoir prendre un certain recul. Je pense que les expatriés de longue date ont celui-ci.

Ma génération est née dans une France en crise, et n’a connu que cela. Difficile alors de se faire une idée de ce que pourrait être une France différente…

Les Polonais ont moins d’argent, mais plein d’idées. Une chose très curieuse m’inspire tous les jours. Je vois des entreprises françaises qui sont dans une impasse, une croissance faible. Et chaque fois qu’une idée « out of the box » est proposée, on entend dire : ça ne marchera jamais !

En Pologne, combien de fois ai-je vu une société qui riait de cela et qui me disait qu’elle doit son succès en France, ou ailleurs, a cette inertie. Ils me disent : les Français nous voient, disent que c’est impossible de faire telle chose, par exemple, de couleur bleue. Alors nous, Polonais, on l'a fait. Parce qu’en fait on ne s’est même pas posé la question de savoir si c’était possible ou pas. On le fait, un point c’est tout.

Et finalement, les Polonais pénètrent un marché a la place des Français. C’est du Mark Twain à la Polonaise : ils ne savaient pas que cela était impossible, alors ils l’ont fait !

Peux-tu nous parler de ton expérience d’entrepreneur ?

J’ai créé ma première société non pas dès ma sortie de l’ESSCA, mais bien après. En 2017, deux start-up coup sur coup. J’avais 41 ans !

La première vendant des engrais pour l’agriculture. La seconde, que je préside toujours, vendant des pièces de rechange pour poids-lourds, remorques, Van, bus et machines de travaux publics.

En 2017 j’ai aussi repris, de manière tout à fait fortuite, un vignoble en Pologne.

J’ai eu des postes de direction élevés, dirigé des plaques de 15 pays, mais finalement le carcan des grosses sociétés, dans lesquelles la politique prend parfois l’ascendant, m’a fait franchir le pas.

Là où je suis passé, notamment dans l’industrie automobile, j’ai remarqué que parfois, au niveau du top management mes collègues passaient 50% de leur temps à faire de la politique.

Quelle est la genèse de International Trucks Parts ?

ITP International Trucks Parts a été créé le 27 mars 2017 en France alors que j’habite en Pologne avec ma famille. Ça c’est l’Europe telle que je la vois.

Les deux premières années ont été passées à investir dans un ERP, une plateforme informatique B2B et un entrepôt. Ma première filiale a été créée en France en septembre 2018 en Alsace.

Cette année j’ouvre la première filiale à l’étranger, en Espagne (le corona virus m’a empêché de signer en mars). Je dois ouvrir d’ici fin 2021 des filiales en Grèce, Roumanie et Bulgarie.

Le CA est passé en 2 ans de 0 à 1,4 ME. Le magasin online est déjà traduit en 4 langues et 4 autres langues sont prévues d’ici 12 mois. Et pourtant, alors que je fournis les grossistes du marché français, j’ai du mal à convaincre les plus petites sociétés de travailler en direct avec moi et de gagner en couts.

Pourquoi changer de fournisseur alors que nous travaillons avec le même depuis 20 ans ? Il est difficile pour chacun de se remettre en question et de changer ses habitudes. Alors on reste à faire machinalement ce que nous savons faire depuis longtemps.

Dans ce domaine, en France, il y a des points de compétitivité à gagner. Impactant directement le bas de compte d’exploitation. Lorsque l’on augmente son CA de 100, on gagne en marge nette 5 par exemple. Lorsque l’on diminue ses couts de 100, on gagne 100 en marge.

 

"Je suis aujourd’hui en recherche de partenaires en France comme à l’étranger pour me développer"

 

La réponse des institutions Françaises à mes demandes de subsides est : on ne finance pas des sociétés de négoce. Dommage, car l’emploi est le même. Les Allemands l’ont bien compris et sont très dynamiques pour donner des aides à l’export. Peu importe le type de société.

Je vous donne un autre exemple du carcan français. Mon premier contrôle fiscal a été diligenté par le fisc après 2,5 ans. Au départ pour un contrôle de TVA, suite à une demande de remboursement. Puis cela s’est fini en contrôle complet, y compris les revenus du dirigeant ! Bien sûr, rien n’a été trouvé.

Les PME assurent 49% des emplois en France, et plus de 50% des taxes.

Quant au vin, lorsque l’on sort du carcan Franco-Français, il y en a dans le monde entier. Et qu’en comparant les climats, les sols… en Pologne le climat étant continental il y fait plus chaud l’été qu’à Bordeaux.

Et mon vin, sans ajout de glucose aucun, a naturellement, après fermentation, 13 degrés.

Dès le départ j’avais le choix de ma stratégie de production et de vente. J’ai vite réalisé qu’avec mes 2Ha je n’allais pas pouvoir rivaliser niveau prix avec les gros producteurs locaux et internationaux. Donc j’ai décidé de m’orienter sur la qualité du produit.

 

"Futs de chênes, pas de produits chimiques, des taux de sulfites en dessous du maximum autorisé pour la norme Bio… Le résultat fut qu’en 2 ans je m’invitais à la table du Président Polonais ! Et en 2020, lors de la venue de M. Macron, c’est mon vin qui a été choisi pour être servi à la délégation française !"

 

Aujourd’hui j’ai créé 4 marques différentes selon le canal de distribution : HoReCa, Cadeaux d’entreprises, grande distribution, touristes.

Rien n’est acquis. J’ai fait de nombreuses erreurs. Mais en gardant à l’esprit qu’il fallait éviter de les faire 2 fois. J’ai appris de mes erreurs. L’innovation est une suite d’erreurs bien souvent.

Or dans nos sociétés nous n’acceptons pas l’erreur. Là encore, les entreprises françaises seraient bien inspirées de laisser davantage libre cours aux idées nouvelles. Les tester. Eliminer celles qui ne donnent rien. Mais dans tous les cas ne pas pénaliser ceux qui ont des idées.

Quel impact du Covid 19 sur ton activité ?

Pour ITP j’ai dû mettre un collaborateur au chômage technique. En revanche l’activité, après une baisse en mars, a vu avril revenir presque à la normale en comparant avec l’année N-1.

Le confinement, et le fait que j’ai dû entrer en quarantaine à mon retour en Pologne, m’a permis de prendre du temps pour faire du télétravail et de la recherche de partenaires au niveau mondial. Cela a plutôt été bénéfique.

Pour ce qui est du vin, comme tous les restaurants sont fermés, les touristes disparus, l’activité a été au point mort. Mais cela pourrait finalement s’avérer une bonne chose. Car cet été les Polonais devraient rester en Pologne plutôt que de partir à l’étranger. Ce qui augmentera les ventes aux touristes, au niveau local, dans notre tapas-bar ouvert en novembre dernier avec deux autres producteurs Polonais locaux.

En conclusion, je vis les 30 glorieuses Polonaises actuellement. L’esprit d’initiative est encore présent. Et le Politique ne tue pas l’Economique.

As-tu un message à faire passer?

L’ESSCA est un très bon tremplin. Je referais ce cursus si j’avais à le refaire. Néanmoins, les Alumni pourraient jouer davantage la carte « anciens de l’ESSCA » pour briguer et obtenir, grâce à l’entraide, les postes les plus stratégiques, à l’instar des diplômés des écoles « parisiennes » par exemple.




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